La boulangerie

 

 La pistrina de Modeste - Pompéi (photo © Patricia Carles)

Selon la légende, c'est Cérès (la Déméter des Grecs) et Triptolème qui auraient enseigné aux hommes l'art de cultiver le blé. Pilimnus, frère de Picumnus, leur aurait appris à le moudre pour en extraire une farine grossière, utilisée d'abord pour fabriquer une simple bouillie (puls) et de la galette (libum).

Le pain proprement dit (panis) fut d'abord pétri et cuit dans le four domestique dont la mère de famille s'occupait elle-même à moins qu'elle ne confie cette tâche à un esclave. Les boulangers de métier n'apparurent à Rome, si l'on en croit Pline (XVIII, 117), qu'après la guerre de Persée (168 av. J.C.) mais Plaute parle déjà dans La Comédie aux Anes (I, 3, 48) des pains que l'on achète aux pistores.

Certaines maisons de Pompéi conservent des fours privés mais les boulangeries professionnelles, comme celle de Modeste, y sont les plus nombreuses.

Chaque boulangerie (pistrina) possédait son four et ses propres moulins, installés à l'arrière de la maison, à la place du péristyle des villas particulières. La table à pétrir, la fontaine ou les baquets d'eau pour humecter la pâte, les tablettes sur lesquelles on mettait les pains à refroidir complétaient l'aménagement de la pistrina.

Les moulins en pierre de lave qui broyaient le grain étaient composés d'un élément fixe en forme de cloche, la meta, et d'un élément mobile, le catillus, que deux esclaves faisaient tourner sur la meta en poussant un axe de bois fiché dans chacun des deux orifices carrés et maintenu en place par des chevilles de bois. Mais ce moulin rudimentaire, dit "mola trusatilis", laisse le plus souvent place, à Pompéi, à la mola asinaria, au moulin à âne. Un joug remplaçait alors le bras horizontal.

Après la mouture, le grain concassé (le mot "farine" serait en effet impropre) était passé au crible (cribrum) et trié en fonction de sa finesse relative.

Les Romains appréciaient par dessus tout le pain au levain (panis fermentatus), plus facile à digérer que le pain non fermenté. Pline nous a laissé plusieurs recettes pour la fabrication du levain. On l'obtenait soit en mélangeant du moût de raisin à du millet (ou à du son) et en additionnant ce mélange d'un peu de farine d'épeautre au dernier moment, soit en laissant fermenter des pains d'orge grillés dans des vases clos, soit en laissant aigrir un peu de pâte non salée après chaque fournée.

La pâte, faite d'un mélange de farine de froment, d'eau, de levain et de sel était généralement pétrie à la main dans un pétrin (alveus ou magis) de bois, de pierre ou de terre cuite. Mais on a trouvé une machine à pétrir à Pompéi.

Le pain était ensuite façonné à la main (ceux que l'on a retrouvés à Pompéi étaient tous ronds et bombés sur une face) et enfourné, comme aujourd'hui, grâce à une longue pelle de bois. Le pain cuit au four était le plus commun, il était généralement débité en quarts (panis quadratus). La mie s'appelait "mollia panis" et la croûte "crusta".

Certains pains de luxe étaient cuits sous la cendre, à la broche (grillés ?) ou dans un vase de terre. Les Romains connaissaient aussi les pains que nous appellerions aujourd'hui des "pains fantaisie" : pain au poivre, au pavot, au sésame, à l'anis ou au cumin. Le panis ostrearius, qui se mangeait avec des huîtres, devait être l'un de ces pains de luxe. A l'inverse, le pain à soldats (panis militaris ou castrensis), le pain à marins (panis nauticus), le pain à paysan (panis rusticus) et le pain distribué gratuitement à la plèbe romaine (gradilis, fiscalis, ostiensis ou plebeius) devaient être particulièrement grossiers.

La qualité du pain dépendait évidemment de celle de la farine. Le froment le plus léger (siligo) était supérieur au froment courant (triticum). Chacun d'entre eux donnait trois qualités de farine : la plus fine (respectivement flos siliginis et pollen), la farine de qualité moyenne (respectivement siligo tout court et similago ou simila) et la farine grossière (respectivement secundarium et cibarium). Les pains nobles étaient blancs (panes candidi ou mundi) et s'opposaient aux panes sordidi, atri ou duri, faits de farine non criblée. Le panis acerosus, le pain de son, entrait dans cette catégorie. Outre le froment, on utilisait l'épeautre, le millet, l'orge (pour le pain des esclaves) ou l'avoine quand les autres céréales venaient à manquer.

Certains pains spéciaux, au vinaigre, au suc de laitue, au fromage ou au vin devaient se consommer comme des encas. Certains, auxquels on ajoutait des noisettes, des amandes, des feuilles de laurier, du lait, du miel, du riz, de l'huile ou de la graisse, avaient même un goût de pâtisserie.

Les pâtissiers (placentarii) fabricants de "placentae" étaient équipés comme les boulangers mais, comme en témoignent ceux que l'on a découverts dans la rue des Augustales à Pompéi, leurs fours, leurs moulins et leurs boutiques étaient beaucoup plus petits que ceux des boulangers. Leur moulin porte d'ailleurs le nom de "pistrilla", diminutif de "pistrinum".

La placenta proprement dite était un gâteau comprenant plusieurs couches de pâte superposées ; les Romains raffolaient des dulcia, littéralement des "douceurs". Les pâtisseries, façonnées parfois en forme d'animal, jouaient un grand rôle dans le rituel religieux ; pas de sacrifice sans gâteau de miel à la farine salée (mola salsa) et des fictores, attachés au service du culte, fabriquaient des liba, des galettes d'offrande.

Les boulangeries étaient placées sous la protection de Vesta, déesse du foyer qui apparaît souvent dans leurs laraires. Les pistores célébraient les Vestalia le 9 juin de chaque année.

Si les propriétaires des boulangeries étaient des hommes libres (en général, des affranchis), leurs employés restaient le plus souvent de condition servile et il n'était pas rare de voir des esclaves indociles condamnés à tourner la meule. La plupart des boulangers appartenaient aux classes les plus pauvres mais certains, comme P. Paquius Proculus, devenu duumvir à Pompéi, pouvaient s'élever dans la hiérarchie économique et sociale.

A Rome, à partir du moment où l'empereur Aurélien instaura des distributions de pain gratuites ou à bas prix, les pistores, soumis au préfet de l'annone, cessèrent d'être des artisans libres pour entrer au service de l'Etat.

L'origine du blé

 la légende de Triptolème

 

 le labour

 les semailles

la moisson et le dépiquage

 four particulier

 au four et au moulin

 meules dans la brume

 

meules dans la brume

 le catillus et la meta

 la meta

 

 le catillus

 meules de pâtissier ?

 

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