Selon la légende,
c'est Cérès (la Déméter des Grecs)
et Triptolème qui auraient enseigné aux hommes
l'art de cultiver le blé. Pilimnus, frère de Picumnus,
leur aurait appris à le moudre pour en extraire une farine
grossière, utilisée d'abord pour fabriquer une
simple bouillie (puls) et de la galette (libum).
Le pain proprement
dit (panis) fut d'abord pétri et cuit dans le four
domestique dont la mère de famille s'occupait elle-même
à moins qu'elle ne confie cette tâche à un
esclave. Les boulangers de métier n'apparurent à
Rome, si l'on en croit Pline (XVIII, 117), qu'après la
guerre de Persée (168 av. J.C.) mais Plaute parle déjà
dans La Comédie aux Anes (I, 3, 48) des pains que
l'on achète aux pistores.
Certaines maisons
de Pompéi conservent des fours privés mais les
boulangeries professionnelles, comme celle de Modeste, y sont
les plus nombreuses.
Chaque boulangerie
(pistrina) possédait son four et ses propres moulins,
installés à l'arrière de la maison, à
la place du péristyle des villas particulières.
La table à pétrir, la fontaine ou les baquets d'eau
pour humecter la pâte, les tablettes sur lesquelles on
mettait les pains à refroidir complétaient l'aménagement
de la pistrina.
Les moulins en pierre
de lave qui broyaient le grain étaient composés
d'un élément fixe en forme de cloche, la meta,
et d'un élément mobile, le catillus, que
deux esclaves faisaient tourner sur la meta en poussant
un axe de bois fiché dans chacun des deux orifices carrés
et maintenu en place par des chevilles de bois. Mais ce moulin
rudimentaire, dit "mola trusatilis", laisse
le plus souvent place, à Pompéi, à la mola
asinaria, au moulin à âne. Un joug remplaçait
alors le bras horizontal.
Après la
mouture, le grain concassé (le mot "farine"
serait en effet impropre) était passé au crible
(cribrum) et trié en fonction de sa finesse relative.
Les Romains appréciaient
par dessus tout le pain au levain (panis fermentatus),
plus facile à digérer que le pain non fermenté.
Pline nous a laissé plusieurs recettes pour la fabrication
du levain. On l'obtenait soit en mélangeant du moût
de raisin à du millet (ou à du son) et en additionnant
ce mélange d'un peu de farine d'épeautre au dernier
moment, soit en laissant fermenter des pains d'orge grillés
dans des vases clos, soit en laissant aigrir un peu de pâte
non salée après chaque fournée.
La pâte, faite
d'un mélange de farine de froment, d'eau, de levain et
de sel était généralement pétrie
à la main dans un pétrin (alveus ou magis)
de bois, de pierre ou de terre cuite. Mais on a trouvé
une machine à pétrir à Pompéi.
Le pain était
ensuite façonné à la main (ceux que l'on
a retrouvés à Pompéi étaient tous
ronds et bombés sur une face) et enfourné, comme
aujourd'hui, grâce à une longue pelle de bois. Le
pain cuit au four était le plus commun, il était
généralement débité en quarts (panis
quadratus). La mie s'appelait "mollia panis"
et la croûte "crusta".
Certains pains de
luxe étaient cuits sous la cendre, à la broche
(grillés ?) ou dans un vase de terre. Les Romains connaissaient
aussi les pains que nous appellerions aujourd'hui des "pains
fantaisie" : pain au poivre, au pavot, au sésame,
à l'anis ou au cumin. Le panis ostrearius, qui
se mangeait avec des huîtres, devait être l'un de
ces pains de luxe. A l'inverse, le pain à soldats (panis
militaris ou castrensis), le pain à marins
(panis nauticus), le pain à paysan (panis rusticus)
et le pain distribué gratuitement à la plèbe
romaine (gradilis, fiscalis, ostiensis ou plebeius)
devaient être particulièrement grossiers.
La qualité
du pain dépendait évidemment de celle de la farine.
Le froment le plus léger (siligo) était
supérieur au froment courant (triticum). Chacun
d'entre eux donnait trois qualités de farine :
la plus fine (respectivement flos siliginis et pollen),
la farine de qualité moyenne (respectivement siligo
tout court et similago ou simila) et la farine
grossière (respectivement secundarium et cibarium).
Les pains nobles étaient blancs (panes candidi
ou mundi) et s'opposaient aux panes sordidi, atri
ou duri, faits de farine non criblée. Le
panis acerosus, le pain de son, entrait dans cette
catégorie. Outre le froment, on utilisait l'épeautre,
le millet, l'orge (pour le pain des esclaves) ou l'avoine quand
les autres céréales venaient à manquer.
Certains pains spéciaux,
au vinaigre, au suc de laitue, au fromage ou au vin devaient
se consommer comme des encas. Certains, auxquels on ajoutait
des noisettes, des amandes, des feuilles de laurier, du lait,
du miel, du riz, de l'huile ou de la graisse, avaient même
un goût de pâtisserie.
Les pâtissiers
(placentarii) fabricants de "placentae" étaient
équipés comme les boulangers mais, comme en témoignent
ceux que l'on a découverts dans la rue des Augustales
à Pompéi, leurs fours, leurs moulins et leurs boutiques
étaient beaucoup plus petits que ceux des boulangers.
Leur moulin porte d'ailleurs le nom de "pistrilla",
diminutif de "pistrinum".
La placenta
proprement dite était un gâteau comprenant plusieurs
couches de pâte superposées ; les Romains raffolaient
des dulcia, littéralement des "douceurs".
Les pâtisseries, façonnées parfois en
forme d'animal, jouaient un grand rôle dans le rituel religieux
; pas de sacrifice sans gâteau de miel à la farine
salée (mola salsa) et des fictores, attachés
au service du culte, fabriquaient des liba, des galettes
d'offrande.
Les boulangeries
étaient placées sous la protection de Vesta, déesse
du foyer qui apparaît souvent dans leurs laraires. Les
pistores célébraient les Vestalia le 9 juin
de chaque année.
Si les propriétaires
des boulangeries étaient des hommes libres (en général,
des affranchis), leurs employés restaient le plus souvent
de condition servile et il n'était pas rare de voir des
esclaves indociles condamnés à tourner la meule.
La plupart des boulangers appartenaient aux classes les plus
pauvres mais certains, comme P. Paquius Proculus, devenu duumvir
à Pompéi, pouvaient s'élever dans la hiérarchie
économique et sociale.
A Rome, à
partir du moment où l'empereur Aurélien instaura
des distributions de pain gratuites ou à bas prix, les
pistores, soumis au préfet de l'annone, cessèrent
d'être des artisans libres pour entrer au service de l'Etat. |
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L'origine
du blé |
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la
légende de Triptolème |
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le
labour |
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les
semailles |
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la
moisson et
le dépiquage |
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four
particulier |
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au
four et au moulin |
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meules
dans la brume |
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meules
dans la brume |
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le
catillus et la meta |
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la
meta |
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le
catillus |
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meules
de pâtissier ? |
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boulangerie-thermopolium |
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nature
morte au pain |
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une
boulangerie |
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