les plaisirs de la table, nature morte aux oeufs - Praedia de Julia Félix - Musée de Naples (photo © Patricia Carles)

Les anciens ont utilisé très tardivement les accessoires d'hygiène que sont pour nous les serviettes de table, les mouchoirs et les serviettes de toilette qui n'entrent définitivement dans les moeurs qu'à l'époque chrétienne, plus, d'ailleurs, par souci de pureté que par souci d'hygiène.

Une serviette de table, un mantele, figure nénamoins sur cette peinture. On s'en servait pour s'essuyer les mains aussi bien que pour essuyer la table. Les mantelia "étaient ordinairement faites d'une étoffe épaisse, unie d'un côté, pelucheuse de l'autre. Dans les banquets, l'amphitryon fournissait ce linge de table ; mais chacun prit l'habitude d'apporter sa serviette (mappa), afin d'y mettre les petits cadeaux que l'hôte faisait à ses convives [...]. Le luxe des serviettes et des nappes devint très grand à partir d'Hadrien ; elles se couvrirent de bandes de couleur, de broderies et de brocarts. La serviette restait, d'ailleurs, l'apanage des gens de la bonne société ; le peuple n'en faisait pas usage. Mettait-on une serviette devant soi, sur sa poitrine, quand on était à table ? Un texte de Pline pourrait le faire croire ; mais je pense que le sens en est différent et, d'ailleurs, aucun monument ne nous montre cette disposition. A Rome comme en Grèce, la serviette conserve un rôle plus général que chez nous : c'est un linteum, et l'on s'en sert, quand on en a besoin, comme d'une serviette ou comme d'un mouchoir [...]. Trimalcion au bain se fait essuyer, non pas avec des lintea, mais avec des pallia de laine très douce ; après s'être lavé les mains, il les essuie à la chevelure d'un esclave. Sa femme, Fortunata, dans le banquet qui suit, prend le fichu qu'elle porte autour du cou pour essuyer ses mains. Trimalcion lui-même a les épaules couvertes d'une mappa à large bande de pourpre, dont les franges retombent de chaque côté.

L'amusante épigramme de Martial sur Hermogénès « le voleur de linges » nous montre la nature vague de tous ces termes, désignant des voiles et des étoffes de tout genre. [...]. Mais c'est surtout dans les cérémonies religieuses que la serviette apparaît comme un accessoire réglementaire et bien défini. Ovide, décrivant les ustensiles du sacrifice, nomme la serviette à longs poils, la patère de vin et la boite à encens : ce sont, en effet, les ustensiles que l'on voit entre les mains des camilli, sortes d'enfants de choeur, qui assistaient le prêtre dans le sacrifice. La serviette est le plus souvent placée sur leur épaule gauche et pend en avant et en arrière, ou suspendue en cravate de chaque côté du cou, ou bien attachée comme un mantelet et recouvrant les épaules ; plus rarement elle est posée sur le bras gauche. Dans toutes ces figures, on peut se rendre compte de l'épaisseur du tissu et des franges qui ornent les extrémités. Sur un relief du Capitole on voit la serviette accrochée à une tige de suspension, avec onze autres emblèmes du culte romain. On s'explique ainsi que, dans le monde chrétien, la serviette se soit introduite sous le couvert des usages religieux et qu'elle y ait pris une importance de plus en plus grande. Non seulement le diacre chrétien porte le mantele sur l'épaule gauche comme le camillus, mais tout objet sacré est tenu avec les mains recouvertes d'une serviette, et la nappe blanche, après avoir recouvert l'autel, s'étend sur la table de repas comme un emblème de pureté."