La fabrique de garum

nature morte au flacon de garum - Musée de Naples (photo © Patricia Carles)

Le garum pompeianum était célèbre dans tout le monde romain. Comparable au nuoc-mam vietnamien, le garum était par excellence le condiment des anciens. Le grand cuisinier Apicius en assaisonnait aussi bien les fruits que la viande ou les légumes et il est possible qu'on ait préparé des boissons (en le mélangeant à l'eau, au vin ou à l'huile) à base de garum. Le garum médicinal avait, disait-on, des vertus digestives et apéritives.

Le garum, sans doute emprunté aux Grecs, est le résultat de la macération d'intestins et de morceaux de poissons dans une saumure de sel marin : maquereaux, thons, murènes, voire, pour la qualité inférieure, anchois, servaient à la fabrication. De grandes quantités de sel étaient nécessaires à la production du garum ; les salines, dont les Romains maîtrisaient parfaitement la technique et dont Rutilius Namantianus nous a laissé une description précise, y pourvoyaient : "l'eau de mer, écrit celui-ci, pénètre par des canaux creusés en pente sur le sol, et de petites rigoles (fossae) arrosent d'innombrables réservoirs (lacus) ; quand arrive Sirius avec ses feux brûlants, quand l'herbe se flétrit et que la campagne est partout altérée, on ferme les écluses (cataractae), la mer n'entre plus et ainsi l'eau, devenue immobile, se durcit sur le sol échauffé ; sous la vive influence de Phoebus, les éléments se coagulent en une croûte épaisse". Le sel des Salinae Herculeae entrait à Pompéi par la porte d'Hercule, dite aussi Porta salis. Il était sans doute entreposé tout près de là avant d'être acheminé vers les différentes fabriques.

L'une de ces fabriques pompéiennes de garum est située dans la même insula que la boulangerie de Sotericus. L'air devait être pestilentiel près des cuves de saumure digérant le poisson en plein soleil pendant deux mois tandis que l'on faisait réduire à petit feu le macérat ainsi obtenu dans de grandes marmites...

Le garum de très grande qualité était le liquamen. Le résidu de la fabrication, nommé "hallec", "alec", "alex " ou "halex", était réservé aux esclaves et aux classes pauvres. Un hallec de luxe était cependant fabriqué à base de nonnats (petits poissons), d'huîtres, d'oursins, d'acalèphes (comme les méduses), de crevettes et de foies de rouget. Le garum et l'hallec étaient ensuite conditionnés dans des amphores marquées du nom du fabricant et exportés vers Rome ou mis en flacon (vasa faecaria) pour être vendus au détail dans les boutiques de la ville. Les fabricants qui assuraient la prospérité de Pompéi étaient récompensés : une statue équestre fut même érigée en l'honneur de A. Umbricius Scaurus, duumvir sous le règne de Claude, sans doute le plus méritant - ou le plus influent -, d'entre eux.

 retour au plan