Le culte d'Isis

Le temple d'Isis (photo © Patricia Carles)

Situé au nord du théâtre, entre la palestre samnite et le temple de Jupiter Meilichius, cet édifice religieux, consacré au culte oriental d'Isis, fut entièrement reconstruit après le séisme de 62 sur les ruines du temple primitif élévé au II° siècle avant J.-C. C'est Numerius Popidius Celsinus, fils de Numerius, qui a relevé à partir de ses fondations le temple détruit par le tremblement de terre, indique l'inscription surmontant l'entrée.

 

portique

"Nu[merius] Popidius N[umeri] fi[lius] Celsinus aedem Isidis terrae motu conlapsam a fundamento p[ecunia] sua restituit. Hunc decuriones ob liberalitatem cum esset annotum sex ordini suo gratis adlegerunt." (Pour sa générosité, les décurions ont décidé de l'accueillir dans leur assemblée bien qu'il soit seulement âgé de six ans).

Le temple proprement dit se dressait au centre d'un espace entouré d'un portique, lui-même délimité par un mur d'enceinte.

 

mur d'enceinte
Un escalier de sept marches menait au pronaos et à la cella où se trouvaient les effigies d'Isis et d'Osiris. Le naos est dit "prostyle tétrastyle" car il est précédé d'un vestibule ou pronaos qui a quatre colonnes seulement en façade.

 
 

pronaos et cella
A droite et à gauche de la cella, deux niches abritaient les statues d'Anubis et d'Harpocrates. Anubis, le dieu à tête de chacal, fils illégitime d'Osiris, était assimilé à Hermès psychopompe pour le rôle qu'il jouait dans le culte funéraire : censé conduire le défunt à travers le royaume des morts et veiller à la pesée des âmes, il était souvent représenté tenant un sistre de la main droite et une sorte de caducée de la main gauche. Harpocrates, quant à lui, était l'équivalent grec du dieu Horus, fils d'Isis et d'Osiris.

 
 

niches devant la cella 
Sur le côté, un petit édifice était sans doute destiné aux "incubations sacrées", ces rites divinatoires par lesquels on pouvait recueillir les prescriptions d'un dieu, sous la forme d'un songe, en dormant près de son sanctuaire. Cet difice donnait accès à une pièce souterraine, un "purgatorium" pour les sacra du culte.

 
 

petit édifice
C'est là que la déesse, souvent associée à Sérapis-Esculape, prescrivait ses remèdes aux malades venus la consulter, pendant leur sommeil. De nombreuses inscriptions témoignent de l'efficacité de ses ordonnances. On imaginait avoir été guéri grâce à ses conseils, "ex ejus monitu, jussu" ou "imperio".

 

petit édifice
Divinité par excellence du syncrétisme, Isis condense en elle les traits de plusieurs déesses grecques. Assimilée tantôt à Artémis à cause du croissant de lune qui ornait son front, tantôt à Vénus ou à Junon, déesses de l'amour et du mariage, elle symbolise aussi la terre nourricière et arbore les mêmes attributs que Déméter (flambeaux, épis de blé, corne d'abondance, serpents et ciste mystique). Elle veille, comme Hécate, sur le royaume des morts et, divinité marine (pelagia), protège les matelots du danger.

 

maquette 
Deux cérémonies étaient célébrées dans le temple d'Isis. Au lever du soleil, le prêtre ouvrait la porte du temple pour "éveiller le dieu" et, après des libations sur les autels, il tirait les rideaux de lin qui cachaient la divinité, dévoilant ainsi l'image aux croyants déjà regroupés devant le temple. En début d'après-midi se déroulait une deuxième cérémonie : l'officiant se tournait vers les fidèles pour offrir à leur adoration le vase contenant l'eau sacrée du Nil, émanation d'Osiris, tandis que ses deux acolytes agitaient un sistre.

 
 

 ibis
Parmi les grandes fêtes du culte isiaque, on peut signaler celle du Vaisseau d'Isis (Navigium Isidis) le 5 mars. Ce jour-là, depuis l'Isium, on portait en procession vers le rivage la statue de la déesse, parée de ses plus beaux atours, et l'on relançait à la mer les vaisseaux tirés à sec pendant la mauvaise saison, signifiant ainsi la reprise de la navigation.

 
 

stucs
Une autre fête commémorait en novembre la "Passion" et "l'Invention" d'Osiris. Ces Isia commençaient le 12 du mois par des rituels de deuil accompagnés de chants funèbres lors desquels prêtres et membres des confréries mimaient le douloureux voyage d'Isis à la recherche du corps d'Osiris, démembré par son frère, le dieu Seth.

 
 

 stucs
Deux jours plus tard, la joie succédait à la douleur pour célébrer "l'Invention du dieu ". Les initiés parcouraient les rues en criant : "Nous l'avons trouvé, nous nous réjouissons !" avant de terminer la journée par des banquets.

 
 

 stucs
Le plus grand attrait du monument réside dans l'ornementation qui décorait les murs. Malheureusement ces fresques ont été scindées en "tableaux" au moment de leur découverte, mais on a pu reconstituer leur dimension originale au Musée de Naples et leur polychromie est restée intacte

 

Les parois du portique, peintes en rouge, étaient scandées par des fragments d'architecture ornés de vignettes représentant souvent des prêtres d'Isis.

La salle qu'on avait aménagée à l'arrière du temple en empiétant sur la "palestre samnite" présentait une colonnade de marbre en trompe-l'oeil, ponctuée de tableaux divers à dominante onirique, paysages égyptiens, architectures fantastiques, vases précieux, figures de pêcheurs et d'ibis, statues d'Isis.

 
   
Peu de monuments nous sont parvenus dans un tel état de conservation. La restauration entreprise par Popidius Ampliatus témoigne à la fois de l'ascension sociale des affranchis au cours du 1° siècle et de l'importance des cultes orientaux pour la nouvelle dynastie flavienne. Vespasien, proclamé empereur à Alexandrie, a reçu l'investiture sacrée de Sérapis et non de Jupiter Capitolin, comme le voulait la tradition.

 
   

 

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