le film de l'exposition du British Museum sur Pompei

le film de l'exposition du British Museum sur Pompei

Messagepar locipompeiani » 06 Septembre 2013, 13:46

Depuis 18 juin, il est possible au Royaume-Uni et en Irlande de visiter l'actuelle exposition du British Museum «Vie et mort à Pompéi et Herculanum» en se rendant… au cinéma! Un parcours commenté, filmé en haute définition et en direct diffusé sur grand écran dans près de trois cents salles.
Grand spectacle garanti pour cette présentation des trésors de Pompéi et d'Herculanum : reconstitution de l'éruption, détails de la catastrophe, musique, poésie, récits lus de témoins oculaires, rappel de l'aventure des fouilles et aperçu des coulisses de l'événement.
Diffusion exclusive en France le jeudi 26 septembre à 20h (Programme en anglais sous-titré en français)
Bien cordialement,
Patricia Carles
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le film commenté

Messagepar locipompeiani » 27 Septembre 2013, 10:39

Je suis allée, hier soir, voir le film Vie et mort à Pompéi et Herculanum, consacré à l’exposition du British Museum.

J’en suis ressortie un peu déçue malgré le plaisir que j’ai eu à entendre l’élégant anglais du directeur du Musée et des conservateurs (cela nous change de l’anglo-américain omniprésent sur nos écrans).

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La présentation de l’exposition est délicieusement désuète et les commentaires m’ont laissée sur ma faim. Beaucoup d’exclamations admiratives, beaucoup d’enthousiasme mais… relativement peu de contenu.

Quelques points forts néanmoins, que je vais détailler ci-dessous en plusieurs messages, pour plus de clarté.
Bien cordialement,
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Les paradoxes de Pompéi

Messagepar locipompeiani » 27 Septembre 2013, 11:12

Les paradoxes de la société servile

Le film insiste d’abord sur le paradoxe de cette cité entièrement fondée sur le travail servile et ouverte pourtant à une extraordinaire mobilité sociale puisque, d’après les projections qu’on peut faire à partir d’Herculanum, un citoyen sur deux y était un ancien esclave.

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Les esclaves représentaient d'ailleurs la classe la moins nombreuse de Pompéi. Ils étaient moins nombreux que les affranchis. Beaucoup, parmi ces affranchis, réussissaient d’ailleurs très bien, accédant aux honneurs, au pouvoir et à la richesse, à l’image de ce citoyen dont on voit, dans le film, la statue de bronze.


Une petite cité ouverte sur un immense Empire

Pompéi et Herculanum, deux bourgades bien « ordinaires », étaient ouvertes sur les échanges internationaux puisqu’on y trouvait des denrées, des matériaux de construction (entre autres des pigments pour la peinture) et des produits de luxe (des gemmes) venant de toutes les contrées de l’Empire.
Je ne suis pas sûre, quant à moi, que Pompéi puisse être considérée comme une bourgade ordinaire. Que de riches patriciens romains, comme Cicéron, y aient possédé une villa, montre au contraire que la cité était très au-dessus du commun…
Bien cordialement,
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Les plaisirs du ventre : le pain, le poisson et le garum

Messagepar locipompeiani » 27 Septembre 2013, 13:16

le pain

L’exposition présente un pain vieux de quelque 2000 ans, sauvé par… l’éruption qui l’a entièrement carbonisé. Il est semblable à celui que l'on voit sur une peinture murale de l'exposition :

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image de l'expositiondu British Museum

On retrouve le même type de pain dans la nature morte au pain conservée au Musée de Naples que j'ai commentée sur locimpompeiani. Mais il porte curieusement, sur l’un de ses quartiers, le cachet « CELER ». Un boulanger italien, Giorgio Locatelli, qui l’a reproduit à l’identique, rapproche cette inscription d’une pratique courante en France au début du XX° siècle (elle existe encore aujourd’hui en Sicile) : le boulanger, après avoir cuit sa propre fournée, permet aux ménagères des environs d'utiliser son four (éventuellement moyennant finances). « Celer » serait donc le surnom d’un esclave à la célérité légendaire et son cachet serait un simple moyen de reconnaître le pain qu’il a confié au boulanger parmi ceux des autres maisonnées, qui avaient sans doute elles aussi leur propre « logo ».

Autre détail intéressant, ce pain présente, sur son pourtour, la marque d’une ficelle. Selon ce boulanger, celle-ci aurait pu contribuer à conserver la forme ronde du pain pendant la cuisson, elle aurait également pu servir de gabarit (une corde de même longueur donnant nécessairement à peu près le même diamètre à tous les pains), mais elle aurait pu servir aussi, à la manière du fil à couper le beurre, à diviser le pain en deux dans le sens de l’épaisseur pour préparer les tartines tenant lieu, parfois, de cuillers. Qui plus est, la cordelette, munie d’une boucle, permettait de rapporter les pains (sans se brûler) à la maison (j’ajoute que l’on pouvait ainsi porter plusieurs pains à la fois)….

On trouve sur le site du Musée la recette et le film très intéressant réalisé sur l'expérience du boulanger italien. Je vous donne les ingrédients de la recette, au cas où vous ne connaîtriez pas tout le vocabulaire : 400 gr de levain, 12 gr de levure, 18 g de gluten, 24 g de sel, 532 gr d’eau, 405 gr d’épeautre, 405 gr de blé complet.


le poisson

Contrairement à l’idée reçue, les habitants des quartiers populaires de Pompéi avaient un régime alimentaire très varié. Plus de 50 espèces de poissons figurent aux menus que l’on peut reconstituer à partir des déchets jetés à la voirie dans ces quartiers. C’est dire que leur nourriture ordinaire, même si elle était cuisinée plus simplement, n’avait rien à envier aux menus des riches. Vous trouverez sur locipompeiani deux mosaïques sur ce sujet : une mosaïque de la Maison du Faune et une autre mosaïque conservée au Musée de Naples dont je ne connais pas l'origine (peut-être la même maison) ; toutes les deux témoignent de cette prédilection pour le poisson que l'on observe également dans une nature morte mêlant asperges, galettes, encornet, coquillages, panier d'osier et poissons ou dans une composition figurant des murènes.

le garum

Complément indispensable du poisson, le garum : l’exposition présente une mosaïque montrant un flacon du précieux liquide. Vous en trouverez la composition et les différentes qualités sur locipompeiani. Il est dommage que le film ne montre pas comment la production du garum s'articule à l'industrie des salines, très importante à Pompéi.
Bien cordialement,
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Re: le film de l'exposition du British Museum sur Pompei

Messagepar locipompeiani » 28 Septembre 2013, 08:30

L'exposition présente un objet étonnant, le glirarium (dont le film ne donne malheureusement pas le nom latin). Le glirarium est une jarre pourvue d'un promenoir en spirale, trouée de petits trous d'aération, destinée à engraisser les loirs, un mets particulièrement prisé des Romains.

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l'auteur de la cuisine romaine antique a écrit: ce sympathique ravageur des fruitiers était souvent exhibé lors des banquets romains; un esclave le pesait devant les convives afin que chacun puisse admirer son embonpoint.

Triste sort que le sien … généralement farci avec un hachis de porc, il était ensuite cuit dans une tuile, la tegula, ou, bien au clibanus. Sa chair excellente fut tellement recherchée et onéreuse qu'en -115 une loi somptuaire en interdit la consommation, mesure peu suivie d'effet.

Je précise que si la plupart des auteurs appellent la jarre d'engraissement "glirarium", l'auteur du site distingue le parc à loirs, qu'il appelle de ce nom et la jarre dont nous parlons.

Le clibanus, selon Graham's Potted History, était un fourneau de terre cuite portatif dans lequel on faisait également cuire le pain. On allumait le feu directement sur une pierre plate dont on retirait les braises pour y poser la viande. On recouvrait le tout avec le clibanus sur le couvercle duquel on mettait les braises.


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source : Graham's Potted History
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Questions d'hygiène... et belles à leur toilette

Messagepar locipompeiani » 09 Novembre 2020, 09:22

L'exposition du Musée Maillol insistait sur la proximité des latrines et des cuisines. Le spécialiste des égouts nous apprend ici que certaines cuisines possédaient un vide-ordures ouvrant directement sur le collecteur et l’on imagine sans peine la puanteur qui pouvait en émaner puisqu’on y vidait aussi bien les pots-de-chambre (l’exposition en présente un) que les eaux de vaisselle et autres objets curieusement jetés au rebut ou malencontreusement perdus (lampes à huile, vaisselle cassée, bijoux précieux).

On aurait aimé que les commissaires de l’exposition replacent ces éléments dans une analyse plus générale de la voirie romaine, du réseau de distribution d’eau et des bains, qu’il soient publics - comme les thermes du forum ou les bains de Stabies -, ou privés comme ceux de la villa de Julia Felix. Ils auraient pu aussi, à cette occasion, évoquer la collecte des urines destinées à la foulonnerie, si importante à Pompéi….

Les questions d’hygiène ne sont malheureusement présentes, dans le film, qu’à travers une petite vasque complétée d’une élégante coquille verseuse, l’ancêtre de la douche, en quelque sorte, de jolis flacons de parfum et une magnifique petite boîte à onguent. Le film évoque également le dropax, une pâte d’épilation dont nous savons fort peu de choses :


Laurence Coiffard et Céline Couteau, dans leur Petite histoire des dépilatoires a écrit: Chez les Romains, ce sont les esclaves qui sont chargées d'épiler leur maîtresse et parfois même leur maître. Ces esclaves-esthéticiennes portent le nom de « dépilaristes » ou « d'alipiles » selon le lieu où elles pratiquent leur « art ». C'est la méthode mécanique qui est à l'honneur (pinces à épiler, diverses préparations de type pâtes ou onguents à base de substances aux propriétés adhésives remarquables). On ne retrouve aucune trace écrite de l'utilisation des dépilatoires chimiques et ce malgré la connaissance des sulfures et de leur utilisation dans le domaine médical ainsi que dans le domaine des arts (peintures). Les patriciennes viennent à bout de leur pilosité grâce au dropax, pâte « miraculeuse » dont nous ignorons la composition (Martial, 1864).

À défaut, elles assurent une friction à l'aide d'un psilothrum, dont l'effet s'apparente à celui d'une pierre ponce (Martial, 1864).


Remonté la dernière fois par locipompeiani le 09 Novembre 2020, 09:22.
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