par Kostas » 22 Décembre 2010, 11:13
"Pour moi, inspiré par
les Muses, je dirai l'origine et le nom des héros qui le montèrent, les mers
qu'ils parcoururent et les exploits par lesquels ils se signalèrent en errant
sur divers rivages.
Orphée sera le premier objet de mes chants, Orphée, fruit des amours d'Éagrus
et de Calliope, qui lui donna le jour près du mont Pimplée. Les rochers
et les fleuves sont sensibles aux accents de sa voix, et les chênes de la
Piérie, attirés par les doux sons de sa lyre, le suivent en foule sur le rivage
de la Thrace, où ils attestent encore le pouvoir de son art enchanteur. Ce
fut par les conseils de Chiron que le fils d'Éson reçut au nombre de ses
compagnons le chantre divin qui régnait sur les Bistoniens.
Astérion accourut un des premiers pour partager la gloire de cette expédition.
Cométès son père, habitait Pirésies, située près du mont Phyllée, à
l'endroit où l'Apidan et l'Énipée mêlent ensemble leurs eaux.
Animé de la même ardeur, Polyphème abandonna le séjour de Larisse, Polyphème qui
s'était autrefois signalé dans le combat des Lapithes et des Centaures. Il
était alors le plus jeune des Lapithes ; aujourd'hui son corps est appesanti par
les années, mais son courage est toujours aussi intrépide.
Iphiclus ne tarda point à quitter Phylacé, frère d'Alcimède, mère de Jason, les
liens du sang l'excitaient à voler au secours de son neveu.
Le roi de Phères, le brave Admète, ne voulut point rester à l'ombre du mont Chalcodon, qui couvre celle ville
opulente.
Deux fils de Mercure, Erytus et Échion, distingués par leurs richesses et
savants dans l'art d'employer habilement la ruse, quittèrent bientôt Alopé.
Éthalide, autre fils du même dieu, se joignit à eux. Eupolèmie, fille de
Myrmidon, l'avait mis au monde sur les bords de l'Amphryse. Les deux autres
avaient pour mère Antianire, fille de Ménétus.
Coronus, habitant de Gyrtone, était fils de Cénée. Tout brave qu'il était, il ne
surpassait pas son père, qui avait mis en fuite les Centaures et les poursuivait
avec ardeur lorsque le voyant seul et éloigné de ses compagnons, ils se
rallièrent et vinrent fondre tous ensemble sur lui. Malgré leurs efforts, ils ne
purent ni le blesser ni l'abattre; mais toujours ferme et invulnérable, il
s'enfonça tout vivant dans les entrailles de la terre, cédant aux coups des
énormes sapins dont ils étaient armés.
Mopsus, habitant des bords du Titarèse, instruit par Apollon lui-même dans la
science des augures, Eurydamas, fils de Ctimènus, habitant de la ville de
Ctiméne, près du lac Xynias, Ménoelius, envolé d'Oponte par son père
Actor, voulurent aussi partager, la gloire et les dangers de cette entreprise.
Eurytion, le vigoureux Éribotès, celui-ci fils de Téléon, l'autre d'Irus, fils
d'Actor, suivirent leur exemple. Avec eux marchait Oïlée, aussi célèbre par sa
bravoure qu'habile à poursuivre un ennemi qu'il a mis en fuite.
L'Eubée vit sortir de son sein ses plus illustres habitants. Canthus suivait
avec joie les ordres de son père Canéthus, fils d'Abas. Il ignorait,
l'infortuné! qu'il ne reverrait jamais Cérinthe sa patrie, et qu'il périrait
avec le devin Mopsus sur les confins de la Libye. Faibles humains, il n'est donc
pas de malheur si imprévu qui ne puisse nous arriver! Ces deux guerriers sont
ensevelis dans la Libye, et la Libye est aussi éloignée de Colchos, que l'orient
l'est de l'occident. Clytius et Iphitus, qui régnaient dans Échalie, étaient
fils du cruel Eurytus, Eurytus à qui l'arc qu'il avait reçu d'Apollon devint
fatal, aussitôt qu'il eut la témérité de disputer d'adresse avec son
bienfaiteur.
Télamon et Pélée, tous deux fils d'Éacus, n'arrivèrent cependant pas ensemble.
Obligés de sortir d'Égine à cause du meurtre involontaire de leur frère Phocus,
ils avaient transporté leur séjour dans des lieux différents. Télamon habitait
l'île de Salamine, et Pélée la ville de Phtie.
Le vaillant Butés, fils du brave Téléon, et le belliqueux Phalère avaient quitté
le pays où régna Cécrops. Quoique Phalère fût le seul rejeton d'Alcon, le fruit
de sa vieillesse et le soutien de ses jours, son père lui-même lui avait ordonné de partir pour se signaler
parmi tant de héros.
Tu ne pus les accompagner, illustre descendant d'Érechtée, généreux Thésée! Un
lien fatal te retenait alors dans les cachots souterrains du Ténare, où tu avais
suivi ton ami Pirithoüs. Sans doute votre valeur aurait, été pour les Argonautes
un puissant secours!
Tiphys, fils d'Agnias, habile à prévoir les tempêtes et à diriger un navire, en
observant tantôt le soleil et tantôt l'étoile du nord, partit de Sipha,
ville des Thespiens, pour se joindre aux héros qui souhaitaient de l'avoir pour
compagnon. Minerve elle-même lui en avait inspiré le dessein ; Minerve dont les
mains divines construisirent avec Argus ce vaisseau fameux, supérieur à tous
ceux qui ont fendu jusqu'ici le sein des flots.
Phlias, riche des dons de Bacchus son père, habitait la ville d'Aréthyrie,
près des sources de l'Asopus.
Talaüs, Aréius, le brave Léodocus, tous habitants d'Argos, étaient fils de Bias
et de Péro, que Mélampus obtint pour son frère, après avoir enduré bien des maux
dans les étables d'Iphiclus.
Hercule, l'invincible Hercule, ne dédaigna pas lui-même de se rendre aux vœux de
Jason. Il revenait alors d'Arcadie, d'où il avait rapporté sur ses larges
épaules le fameux sanglier d'Érymanthe, qu'il avait exposé tout vivant et chargé
de liens aux yeux des habitants de Mycènes. C'était de lui-même et sans l'ordre
d'Eurysthée qu'Hercule marchait à cette expédition. Son fidèle Hylas
l'accompagnait, Hylas, en qui brillait la fleur de la première jeunesse, qui
portait l'arc et les flèches du Héros.
Avec eux vint Nauplius, issu d'un héros du même nom, célèbre par son habileté
dans l'art de la navigation, fruit des amours de Neptune et de la belle Amymone,
fille du divin Danaüs.
Idmon fut le dernier de ceux qui arrivèrent d'Argos. La science des augures lui
avait appris qu'il marchait à une mort certaine. Il partit cependant pour ne
point flétrir sa réputation. Quoiqu'il passât pour fils d'Abas et descendant
d'Eolus, il avait eu pour père Apollon, qui lui enseigna l'art de prévoir
l'avenir en observant le vol des oiseaux et les entrailles des victimes.
Le vigoureux Pollux, Castor habile à dompter les coursiers, tous deux fruits
d'un seul et pénible enfantement, furent envoyés de Sparte par leur mère
elle-même, fille d'un roi d'Étolie. Léda ne craignit point de se séparer de ses
enfants chéris car elle concevait pour eux un destin digne des rejetons de Zeus.
Les fils d'Apharée, Lyncée et le violent Idas, pleins de confiance dans leurs
forces extraordinaires, étaient sortis d'Arène. Lyncée, si l'on en croit la
renommée, portait ses regards perçants jusque dans les entrailles de la terre.
Périclymène, l'aîné des enfants qui naquirent à Nélée dans la ville de Pylos,
marchait avec eux. Neptune lui avait donné une force invincible et le pouvoir de
prendre en combattant toutes sortes de formes.
Deux fils d'Aléus, Amphidamas et Céphée, habitants de la ville de Tégée et de
cette partie de l'Arcadie qui échut en partage à Aphidas, étaient
accompagnés d'Ancée, fils de Lycurgue, leur frère aîné. Obligé de rester
lui-même près du vieux Aléus pour avoir soin de ce père chéri, Lycurgue avait
envoyé son fils avec eux. En vain, pour le retenir, Aléus avait fait cacher ses
armes. Le bras gauche couvert de la peau d'un ours du mont Ménale, il agitait de
la main droite une énorme hache à deux tranchants.
Augée, que la renommée disait issu du Soleil, régnait sur les habitants de
l'Élide. Fier de ses richesses, il souhaitait avec passion de voir la Colchide
et le roi Eétès.
Poussés par le même désir, Astérius et Amphion, fils d'Hypérasius, sortirent de
Pellène, bâtie par leur aïeul Pellès sur le rivage de la mer qui borde l'Achaïe.
Euphémus quitta le promontoire Ténare ; Euphémus, issu de Neptune et
d'Europe, fille du géant Tityus, qui pouvait courir sur les flots en mouillant
seulement la plante de ses pieds.
Deux autres fils du même dieu, Erginus, le fier Ancée, habiles dans l'art de
combattre et de conduire un vaisseau, étaient partis l'un de l'illustre Milet et
l'autre de Samos, demeure de Junon Imbrasienne.
Le fils d'OEnée, Méléagre, à peine sorti de l'enfance, parut aussi parmi ces
héros. S'il fût resté encore un an à Calydon, Hercule seul eût pu l'emporter sur
lui. Le soin de sa conduite était confié à Laocoon, déjà avancé en âge, né du
même père qu'OEnée, mais d'une mère esclave. Il était encore accompagné
d'Iphiclus, son oncle maternel, aussi habile à lancer un javelot qu’à combattre de près l'ennemi.
Au milieu d'eux, on voyait s'avancer à pas inégaux, Palémonius, fils de Lernus,
ou plutôt du dieu Vulcain. Tout boiteux qu'il était, il fut admis parmi les
héros armés pour la gloire de Jason, et sa valeur le mettait au-dessus de toute
insulte.
Le lien sacré de l'hospitalité unissait avec Jason Iphitus, fils de Naubolus et
petit-fils d'Ornytus. C'était en allant à Delphes consulter l'oracle sur son
expédition, que le fils d'Éson avait été reçu chez ce généreux habitant de la
Phocide.
Deux fils de Borée, Calas et Zéthès, attiraient sur eux les regards étonnés.
Leur mère Orithye se jouait sur les bords de l'Ilissus, lorsqu'elle fut
tout à coup enlevée par Borée, qui la transporta jusqu'aux extrémités de la
Thrace et, l'enveloppant de nuages épais, lui ravit sa virginité près du rocher
de Sarpédon et du fleuve Erginus. Les fruits de cet hymen, touchant légèrement
la terre de leurs pieds, agitaient de larges ailes parsemées d'étoiles d'or. Une
épaisse chevelure flottait au gré du vent sur leurs épaules.
Acastus lui-même, fils du roi Pélias, ne put se résoudre à rester oisif dans le
palais de son père. Bientôt il devait se joindre aux Argonautes, aussi bien
qu'Argus qui avait construit le vaisseau sous les ordres de Minerve.
Tels étaient les compagnons de Jason, qui, descendus comme lui la plupart des
filles de Minyas, se faisaient appeler les princes Minyens.
(Apollodore, Argonautiques, chant I, vers 20-228)