Une scénographie par le cadre |
Au lieu de se contenter de cadrer ses personnages, Todd Haynes filme d'abord le jeu des cadres sociaux et spatiaux dans lesquels ils s'inscrivent. L'espace de Carol est saturé de cadres. Le cadre symbolise d’abord, à lui seul, l'enfermement des personnages dans les rôles sociaux qui sont les leurs et les frontières qu'ils sont censés ne jamais franchir. Significativement, Thérèse apparaît ainsi comme un objet parmi les objets, comme l'une des poupées qui peuplent la vitrine ; un peu plus tard, Todd Haynes la montre comme prisonnière de son casier, comme enfermée dans une boîte : « je suis en quelque sorte rivée à ce comptoir », dit-elle à Carol... |
Deux images de l'enfermement de Thérèse |
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« I am sort of
confined to this desk » |
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Ce jeu de cadres,
qui matérialise souvent la fameuse "règle des tiers" bien
connue des photographes, est un élément structurel essentiel à la
compréhension des interactions entre les personnages. Lors de la rencontre de
Thérèse et de Dannie au New York Times, le
bureau du directeur photo, que nous voyons de l'extérieur, à travers la
vitre, est subdivisé en trois zones horizontales et en trois zones verticales
par les montants de bois de la cabine et en trois compartiments qui se
déploient en profondeur. Todd Haynes a ménagé la
place du spectateur juste en avant de la baie vitrée, comme s'il assistait à
la scène depuis une autre des alvéoles de la ruche éditoriale. |
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you
don't really know why you're attracted to some people and not others, the only
thing you know is - you either are attracted or you're not. It's like physics
- bouncing off each other like pin balls. |
« Le cadrage, explique Ed Lachman, permet de montrer
le milieu dans lequel évolue le personnage. C’est aussi un moyen d’exprimer l’oppression
qu’il ressent. Très souvent, la camera se déplace avec lui mais elle s’arrête
quand il arrive dans le dernier tiers du cadre, comme s’il ne pouvait aller
plus loin. Le spectateur ressent ainsi les barrières auxquelles il se heurte,
les contraintes extérieures qui pèsent sur lui et qui entravent sa liberté ».
Comme au théâtre, où
le spectateur voit s’ouvrir le rideau de scène, la caméra dévoile
progressivement le lieu qui emprisonne le personnage. Carol, peignant sa
fille devant sa table de toilette, apparaît ainsi à travers la porte à peine
entrebâillée de sa chambre et, quand la caméra s’approche, c’est pour mieux montrer
son enfermement dans le cadre redoublé des miroirs latéraux de la glace. Le
soleil, entrant largement par la fenêtre, fait seul contrepoint à l’oppression
de ce cadre aliénant et ce n’est sans doute pas un hasard si Harge appelle sa
fille « Sunshine ».
Privée de Rindy, Carol apparaîtra comme définitivement
prisonnière du cadre dans la scène du repas de famille, une scène digne du Family Life de Ken Loach…
Là encore, le mouvement de la caméra participe au dévoilement de la quasi-séquestration
de Carol par son mari : le jeu des verticales, les lourdes boiseries qui
semblent la prendre en tenaille, les grilles de fer forgé des fenêtres et du
vaisselier, tout souligne la claustration dont elle est victime. |
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- Carol, I - it's
really not my business, but if you're going to be alone on Christmas, Cy and
I would love to have you.
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I - I should have
said no to you. But I never say no. And it's selfish because I take -
everything. |
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Episode décisif,
Carol dans le taxi qui la mène vers le cabinet de son avocat pour l'ultime
tentative de conciliation avec Harge, aperçoit tout à coup Thérèse à l'angle de
la 41ème rue et de Broadway ; bouleversée par cette rencontre fortuite, elle
suit la jeune femme des yeux tandis que le cadre se resserre sur son visage
et sur son regard. |
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CAROL, in the cab on her way to FRED
HAYMES’S office, is looking distantly out the window when she suddenly spots
her. The light changes and the taxi starts to move -
THERESE flickers from view. CAROL looks back
over her shoulder through reflections. |
Le cadre traduit
donc au plus près les sentiments des personnages. Etrangère à la scène à
laquelle elle participe, Thérèse est vue à distance, à travers les fenêtres
de Phil. Un large bandeau noir sépare les deux fenêtres éclairées ; il
symbolise non seulement le deuil que Thérèse vient de faire de son amour mais
encore sa fracture intérieure : Thérèse n'est là qu'en position
d'observatrice, elle semble se voir de l'extérieur comme dissociée
d'elle-même. |
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GENEVIEVE hands THERESE a beer, and
they clink in a toast. THERESE smiles, she enjoys GENEVIEVE’S attention, but she
can’t hold GENEVIEVE’S gaze, something about its boldness draws her away from
the moment, from the party... |
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CAROL : Harge. What’s wrong ? |
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HARGE : WHERE IS SHE. She’s
still my wife, Abby. I’m responsible for her. |
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FRED HAYMES : They’re petitioning the judge to consider a
morality clause. |
Le cadre
souligne également les épisodes qui se répondent, en écho, à travers le film.
Ainsi, par exemple, à "l'enlèvement" de Thérèse par Carol
répond celui de Rindy par Harge. Dans les deux cas
s'accomplit une rupture irréversible non seulement dans le temps mais aussi
dans l'ordre "naturel" des choses : l'ordre "naturel",
c'est que Thérèse soit avec Richard et Carol avec sa fille mais l'amour
en décide autrement, pour le meilleur et pour le pire ! De même, à la scène du Motel où l'on voit Carol et Thérèse au
seuil de leur amour, incapables encore d'oser la transgression qu'elles
désirent l'une et l'autre, correspond la scène de Waterloo où Carol s'apprête
à franchir le pas... |
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RICHARD
: Well, that’s - swell. So you’ll... get her back safe and sound? |
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RINDY :
There's room for you in the car, Mommy.
You can come with us! |
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CAROL : Everything all right ? |
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Radio tuned into Guy Lombardo’s New Year’s
Eve broadcast from the Waldorf |